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La loi britannique sur l’esclavage moderne et les moyens de s’y conformer

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Droits humains
Devoir de vigilance
Les nouveaux outils, ressources et pratiques

Le nombre de victimes d’esclavage moderne détectées à travers le monde a augmenté de 25 % en 2022 par rapport à 2019. Le rapport mondial 2024 sur la traite des êtres humains de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime adresse un message aux entreprises : la prévention de l’esclavage moderne doit être une clé pour protéger les travailleurs et garantir des chaînes d’approvisionnement responsables.

Dans le contexte de l’esclavage moderne, il est essentiel de comprendre le lien entre le monde des affaires et les droits humains. Les entreprises doivent adopter de manière proactive des pratiques permettant de s’assurer que leurs activités ne contribuent à aucune violation des droits humains, dont l’esclavage moderne. Elles doivent disposer de politiques et de procédures visant à identifier et à éliminer les risques de travail forcé, de travail des enfants et de trafic d’êtres humains dans leurs chaînes d’approvisionnement afin de démontrer une bonne gouvernance et de protéger leur réputation. Cela les aide également à se conformer à des règles juridiques telles que la loi britannique sur l’esclavage moderne.

Qu’est-ce que la loi britannique sur l’esclavage moderne ?

La loi britannique sur l’esclavage moderne est un texte de référence qui vise à lutter contre l’esclavage moderne et le trafic d’êtres humains dans les chaînes d’approvisionnement. Promulguée en 2015, cette loi consolide les crimes et délits de trafic d’êtres humains, d’esclavage et d’exploitation de diverses sortes qui avaient fait l’objet de lois précédentes au Royaume-Uni, dont la loi sur les crimes et délits sexuels de 2003.

À qui s’adresse la loi britannique sur l’esclavage moderne ?

Les exigences de la loi britannique sur l’esclavage moderne concernent toutes les organisations commerciales opérant au Royaume-Uni qui fournissent des biens ou des services et réalisent un chiffre d’affaires total égal ou supérieur à 36 millions de livres sterling. Cette loi a une portée extraterritoriale : elle s’applique également aux organisations commerciales constituées en dehors du Royaume-Uni qui font des affaires sur le territoire britannique.

Cette loi définit une organisation commerciale comme toute entreprise (compagnie dotée de la personnalité morale ou partenariat) qui exerce des activités dans une partie quelconque du Royaume-Uni. Ces activités recouvrent tout métier (p. ex., plomberie) ou toute profession (p. ex., comptabilité) en plus de la fourniture de biens ou de la prestation de services.

Le seuil de chiffre d’affaires s’applique collectivement aux entreprises appartenant à un groupe qui ont des filiales. Par exemple, supposons que l’entreprise A, l’entreprise B et l’entreprise C fassent partie du même groupe, chacune enregistrant un chiffre d’affaires d’au moins 12 millions de livres sterling. Dans ce cas, les exigences de la loi britannique sur l’esclavage moderne s’appliquent et le groupe doit veiller à ce que ses activités s’y conforment.

Les exigences de la loi britannique sur l’esclavage moderne

À l’heure actuelle, l’unique exigence de la loi britannique sur l’esclavage moderne de 2015 se trouve à l’article 54 (relatif à la transparence des chaînes d’approvisionnement).

Elle prescrit aux organisations dont le chiffre d’affaires atteint le seuil fixé de publier chaque année une déclaration sur l’esclavage moderne et le trafic d’êtres humains présentant les mesures qu’elles ont prises pour prévenir ces pratiques au sein de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement. Si elles n’ont pris aucune mesure, elles se doivent également de l’indiquer.

Les éléments à inclure dans une déclaration sur l’esclavage moderne

Les organisations sont tenues de publier tous les ans une déclaration sur l’esclavage moderne dans les six mois suivant la fin de leur exercice fiscal. Elles doivent la faire figurer bien en vue sur leur site web (si elles en ont un), en incluant les éléments suivants :

  • Politiques relatives à l’esclavage moderne et au trafic d’êtres humains
  • Évaluation des risques et gestion des risques au sein de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement
  • Indicateurs de performance clés qui mesurent les actions mises en œuvre pour prévenir l’esclavage moderne
  • Processus de devoir de vigilance
  • Formation du personnel concernant l’esclavage moderne

Le conseil d’administration doit approuver la déclaration annuelle sur l’esclavage moderne, qui doit également porter la signature d’un administrateur. En plus de publier des déclarations sur leur site web, les organisations peuvent les déposer au registre des déclarations sur l’esclavage moderne du gouvernement britannique.

Les conséquences des manquements à la loi britannique sur l’esclavage moderne

Pour le moment, la loi britannique sur l’esclavage moderne n’impose pas directement de sanctions pour non-conformité à ses exigences de transparence. Cependant, elle formule deux avertissements :

  1. Le gouvernement britannique peut faire appliquer l’exigence visée à l’article 54 au moyen d’une injonction de la Haute Cour de justice. Le défaut d’observation d’une injonction serait considéré comme un outrage au tribunal, passible d’une amende.
  2. La loi britannique sur l’esclavage moderne devrait se voir réformée à moyen terme à la suite de critiques concernant les exigences de reporting de l’article 54 et l’inefficacité globale du texte pour inscrire ce reporting sur l’esclavage moderne dans la culture d’entreprise au Royaume-Uni. Toute réforme prochaine introduira très probablement des sanctions pour non-conformité.

Les réformes à venir de la loi britannique sur l’esclavage moderne

La loi britannique sur l’esclavage moderne a essuyé plusieurs critiques relatives à son inefficacité en raison de la faible qualité et du périmètre limité des déclarations sur l’esclavage moderne, ainsi qu’à cause de son manque d’application. Cela a suscité des appels à la réforme qui ont poussé le gouvernement britannique à demander un examen indépendant de cette loi. La publication des conclusions de cet examen a eu lieu en 2019 et a été suivie d’une consultation publique ; toutefois, aucune modification législative n’a finalement été apportée. Plus récemment, en janvier 2024, un comité de la Chambre des lords a été instauré dans le but d’envisager des amendements potentiels à la loi britannique sur l’esclavage moderne.

Bien qu’aucune réforme législative ne soit encore intervenue, les recommandations de 2019 mettent en évidence plusieurs points qui seront probablement amenés à changer. Parmi ceux-ci, l’introduction d’exigences de reporting obligatoires (dont celle de publier une déclaration sur l’esclavage moderne), l’introduction d’un unique organisme d’application et l’extension des obligations de devoir de vigilance en matière d’esclavage moderne au-delà de la chaîne d’approvisionnement.

La perspective d’exigences de reporting obligatoires

Les auteurs de l’examen de 2019 ont recommandé que le reporting visé à l’article 54 soit obligatoire et plus rigoureux. Cela permettrait aux tiers d’effectuer des comparaisons plus judicieuses entre les organisations. Afin d’assurer un accès public aux rapports rédigés au titre de l’article 54, les entreprises pourraient se voir obligées de déposer leurs déclarations au registre des déclarations sur l’esclavage moderne du gouvernement britannique. Ce registre existe déjà, mais les dépôts s’effectuent actuellement à titre volontaire.

Les obligations de devoir de vigilance au-delà de la chaîne d’approvisionnement

Les organisations peuvent s’attendre à ce que leur façon d’opérer avec leur groupe fasse l’objet d’une plus grande attention. Leur chaîne d’approvisionnement ainsi que leurs relations avec leurs clients et leurs autres partenaires seront également sous surveillance. Plusieurs sujets se verront donc probablement ajoutés aux éléments à déclarer, notamment les suivants :

  • Divulgation des incidents d’esclavage moderne
  • Divulgation des risques connus ou associés et de toute action mise en œuvre
  • Procédure d’alerte et mécanisme de règlement des griefs
  • Collaboration externe et partenariats
  • Gouvernance, responsabilisation, données et preuves

La mise en application du reporting

Constant alarmant, d’après les auteurs de l’examen de la loi britannique sur l’esclavage moderne réalisé en 2019, 40 % des entreprises concernées ne se conformaient pas à l’article 54 et rien n’avait été tenté pour le faire respecter. Ils proposaient de renforcer la conformité en adoptant une approche d’application progressive allant d’avertissements initiaux à des amendes en fonction du chiffre d’affaires, puis à des sommations et injonctions des tribunaux.

Les conclusions de l’examen soulignaient également l’importance de cette application pour les cadres en entreprise chargés du reporting. Les réformes potentielles pourraient imposer aux entreprises de désigner un membre de leur conseil d’administration qui serait personnellement responsable de la production du rapport (et, par extension, de toute non-conformité)

Les réglementations sur l’esclavage moderne à travers le monde

Le Royaume-Uni n’est pas la seule juridiction à se doter d’une législation relative à l’esclavage moderne. Au cours de la dernière décennie, une tendance grandissante s’est imposée en faveur d’une reddition de comptes obligatoire et exécutoire concernant les violations des droits humains. Cela a conduit à l’émergence de règlements partout dans le monde, dont les suivants :

Ces cadres législatifs affichent des objectifs communs : ils visent à lutter contre le travail forcé, le trafic d’êtres humains et l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement en prenant des mesures en faveur de la transparence et de la responsabilisation. Ils exigent tous des entreprises qu’elles divulguent les efforts qu’elles déploient pour identifier et atténuer les risques d’esclavage moderne au sein de leurs activités ou de leurs chaînes d’approvisionnement. Voici, par exemple, comment Johnson & Johnson a respecté tous ces règlements au moyen d’une seule et unique déclaration sur les droits humains et la lutte contre l’esclavage moderne.

Cela dit, ces règlements présentent quelques différences non négligeables. La législation sur l’esclavage moderne, notamment la loi britannique et le projet de loi canadien S-211, se concentre surtout sur les exigences de reporting pour promouvoir la transparence des chaînes d’approvisionnement. Ces textes encouragent les entreprises à révéler comment elles combattent l’esclavage moderne, mais sont souvent dépourvus de mécanismes permettant de passer au crible leurs déclarations.

En revanche, des textes récents comme la loi norvégienne sur la transparence, la loi californienne sur la transparence des chaînes d’approvisionnement (CTCSA) et de nouvelles directives de l’UE, telles que la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), intègrent des éléments de devoir de vigilance, imposant d’entreprendre des actions spécifiques et de rendre des comptes.

C’est l’illustration d’une tendance évidente : partout dans le monde, les lois axées sur la transparence cèdent le pas à des cadres régissant le devoir de vigilance obligatoire au caractère autrement plus rigoureux. Cela contraint les organisations à agir ou à encourir des mesures punitives de taille si elles restent passives. Elles doivent s’engager à résoudre les problèmes d’esclavage moderne dans leurs chaînes d’approvisionnement ou se préparer à voir leur réputation sensiblement entachée et à subir de lourdes pertes financières.

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