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2nd December 2025
Nils Pedersen

Bilan de la COP30 : Plaçons-nous dans l’action avec ambition. Et dans un esprit de collaboration

Paru ! Performances RSE des entreprises françaises et européennes

Comparatif OCDE et BICS –
6ème édition 2025

La COP30, tenue dix ans après l’Accord de Paris, s’est déroulée dans un contexte international marqué par des crises géopolitiques qui se chevauchent et des événements climatiques dévastateurs. Le franchissement de la barre des 1,5°C constitue un signal d’alarme préoccupant, soulignant – s’il cela était encore nécessaire – l’urgence d’une action collective et coordonnée.

Le secteur privé, acteur central de la décarbonation

Il y a une décennie, lors de la COP21, le Pacte mondial de l’ONU – Réseau France avait souligné le rôle central du secteur privé comme un acteur indispensable dans la lutte contre le changement climatique. Cela s’était traduit par la pleine participation du secteur privé au processus de l’Accord de Paris en 2015 – non pas en tant que lobbyiste – mais en tant qu’acteur de la décarbonation. Aujourd’hui, le secteur privé est fermement ancré au cœur de la lutte contre les changements climatiques, et les entreprises s’engagent pleinement sur la trajectoire de l’Accord de Paris.

Une étude menée en 2025 par le Pacte mondial des Nations Unies et Accenture, auprès de 2000 PDG dans le monde, illustre parfaitement cet engagement croissant.

  • En effet, 97% des dirigeants d’entreprises interrogés déclarent rester engagés en faveur des Objectifs de développement durable.
  • Plus de la moitié (52%) affirment même projeter d’augmenter leurs engagements environnementaux et climatiques,
  • tandis que 88% estiment que l’argument commercial du développement durable est plus fort aujourd’hui qu’il ne l’était il y a cinq ans.

La première leçon majeure à tirer de Belém est la confirmation que l’action climatique ne peut plus être de la seule responsabilité des États, mais de tous, et donc des entreprises. La présidence brésilienne de la COP a directement interpellé le monde des affaires en rappelant quelques fondamentaux : les entreprises sont au cœur de la transformation. Leur rôle est triple : mobiliser les financements à grande échelle, soutenir l’innovation bas-carbone et accélérer la décarbonation des chaînes de valeur mondiale. La durabilité n’est plus une contrainte marginale, mais un moteur d’investissement, de compétitivité et un facteur de confiance pour les consommateurs, les investisseurs et la société.

 

L’Accord de Paris reste l’unique boussole climatique

C’était tout le sens de l’ « Agenda d’action », proposé initialement par la présidence brésilienne. S’appuyant sur les résultats du premier Bilan mondial de l’Accord de Paris, comme prévu dans les textes, il offre une analyse des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs climatiques. À Belém, le message a été réitéré avec force, même s’il ne figure pas dans le texte final : la transition vers les énergies renouvelables est irréversible. La limite de 1,5°C a également été rappelée avec force, car elle constitue notre boussole morale, politique et économique pour garantir une planète vivable pour les générations futures.

En ce sens, bien que la production mondiale d’énergies renouvelables ait atteint des records en 2024, celle-ci reste insuffisante pour atteindre les paliers fixés durant la COP28, qui requièrent de doubler la capacité actuelle d’ici 2030. À titre d’exemple, les investissements actuels dans les énergies renouvelables s’élevaient à 624 milliards de dollars en 2024, alors que les objectifs nécessitent de les porter à 1 400 milliards par an jusqu’à 2030. Investir dans de nouvelles capacités d’énergies fossiles est non seulement écologiquement dangereux, mais devient de plus en plus économiquement insensé.

Pourtant, le texte final sur lequel se sont accordées les Parties samedi dernier lors de la session de clôture ne fait pas explicitement mention des énergies fossiles, comme c’était pourtant le cas il y a deux ans. Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a néanmoins soutenu la mise en place d’une « feuille de route » pour sortir des énergies fossiles, permettant aux pays volontaires de s’engager. Cette initiative, d’ores et déjà soutenue par plus de 80 pays (dont la France), constitue le premier jalon d’une ambition mondiale, bien qu’aucune date butoir ne soit proposée.

 

De nouvelles initiatives… et de nombreuses questions

La COP30 a par ailleurs adopté une série de mesures visant à accélérer la mise en œuvre et la coopération internationale, telles que :

  • le lancement d’un Accélérateur mondial de mise en œuvre de la lutte contre le changement climatique,
  • le triplement du financement de l’adaptation aux changements climatiques d’ici à 2035 (une mesure historique pour soutenir les populations les plus vulnérables, celles qui sont les moins responsables du changement climatique, mais les plus touchées par ses conséquences),
  • la création du « Mécanisme de Belém » pour une transition mondiale juste – un nouvel instrument destiné à aider les pays à garantir une transition vers des économies durables, justes et inclusives.
  • La présidence brésilienne a également lancé un fonds de 125 milliards de dollars pour la défense des forêts tropicales, le « Tropical Forever Forest Facilities ».

Simon Stiell, Secrétaire exécutif de l’UNFCC, a souligné que, bien que nous soyons pour la première fois en train de faire baisser la courbe des émissions responsables du réchauffement climatique, les efforts demeurent très insuffisants. L’état actuel des plans climatiques nationaux (NDC) proposés par les Parties entraînerait une baisse des émissions de gaz à effet de serre d’environ 10 % d’ici 2035, alors que le GIEC estime que les émissions doivent baisser de 60 % par rapport à 2019.

Les défis demeurent, et pas des moindres : il est urgent d’augmenter concrètement les financements aux pays vulnérables. Lors de la COP29, les pays développés avaient promis de verser au moins 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 aux nations vulnérables pour les aider à s’adapter aux effets du dérèglement climatique. Les pays vulnérables demandent toutefois un effort financier quatre fois plus important, ainsi que des modalités de mise en œuvre claires. Un effort soutenu par l’UE, qui appelle à tripler d’ici à 2035 les financements pour l’adaptation au titre des engagements de financement climatique du nouvel objectif chiffré collectif (NCQG), convenu lors de la COP29 .

Par ailleurs, le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF) suscite de nombreuses critiques des pays émergents et en développement, la Chine, en particulier, l’analysant comme une barrière commerciale déguisée. En outre, la prise en compte des effets du méthane reste encore trop timide, alors qu’il est pourtant responsable d’un tiers du réchauffement depuis l’ère préindustrielle.

 

La COP30 dans un monde multipolaire fragmenté

On peut en effet déplorer un manque d’ambition dans le texte final de la COP, la communauté internationale n’ayant pas su collectivement se montrer à la hauteur des enjeux. Dans le même temps, nous faisons face à un paradoxe dans l’opinion publique : l’insécurité est brandie comme premier sujet de préoccupation dans les sociétés occidentales, alors que le changement climatique s’affirme aujourd’hui comme le risque numéro un au niveau mondial.

L’aggravation du réchauffement climatique ne peut être réduite à une somme de chiffres ou de graphiques, elle se perçoit chaque jour davantage dans nos quotidiens. Contrairement à ce que laissent entendre certains personnels politiques, notre étude sur la perception du développement durable en Europe, menée auprès de 13 000 citoyens, souligne que 80 % des Européens considèrent que le développement durable doit être une priorité des gouvernements et de l’UE, et un tiers considère même que ce doit être la priorité principale.

Je tenterai de ne pas tomber dans la facilité en critiquant la posture de l’UE, mais force est de constater un important hiatus entre les ambitions et les actes. Prenons exemple sur la communication tardive des contributions déterminées au niveau national (CDN) : ce retard n’envoie pas un bon message pour négocier. Or, ces divisions internes initiales aux États membres ne pouvaient que peser sur les dynamiques globales. Cela est aussi illustré par le manque d’ambition de l’UE sur le rythme de baisse des émissions sur le continent et la révision à la baisse de la CS3D.

La façon dont l’UE a abordé cette COP, avec une forme de désinvolture, témoigne d’une naïveté certaine dans sa diplomatie climatique et sa compréhension globale de la géopolitique. L’Europe continue d’agir comme si ses valeurs suffisaient encore à structurer le débat international. Or, elle ne dispose plus de l’influence qui donnait du poids à ses postures. Les dynamiques économiques glissent désormais vers des relations de plus en plus “Sud-Sud”. C’est le deuxième enseignement de cette COP : dans un monde multipolaire, ce ne sont plus les ambitions ou les principes affichés qui priment, mais les rapports de force. Dans ce contexte, le climat n’est malheureusement plus perçu comme un enjeu central face aux autres défis mondiaux.

 

Un déplacement des forces centrifuges

Regardons du côté de la Chine : elle se décarbone, mais reste le premier consommateur d’énergies fossiles (le charbon en particulier). Son engagement est davantage une démarche économique : celle de vendre des solutions bas-carbone (panneaux solaires, voitures…), qu’une vraie démarche d’exemplarité climat. Elle reste positionnée comme un pays en voie de développement alors qu’elle est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale. Cela montre bien que la clé de lecture de 1992 ne correspond plus à la lecture du monde d’aujourd’hui.

Les forces de gravité évoluent : le G7 ne représentait plus que 44 % du PIB mondial en 2024, selon la Banque mondiale, contre environ 75 % dans les années 90… Le « Sud global » est une réalité. Pour autant, les grandes nouvelles puissances, telles que la Chine, l’Inde ou le Brésil, ne sont pas enclines à financer les mécanismes internationaux, alors même qu’elles font partie des 10 plus grandes économies mondiales.

Aussi, comment croire que ce contexte international permettrait de surpasser les enjeux diplomatiques mis en exergue lors de la COP ? Le « Mutirão », c’est-à-dire les efforts collectifs, ne peuvent être opérant que si chacun veut aller dans le même sens. Or, les approches nationales restent encore très largement prévalentes. Cette COP est bel et bien l’expression d’un monde fragmenté. Comment obtenir du consensus – à travers la matrice de l’ONU – dans un contexte international si confus ?

Le Secrétaire général des Nations unies n’a cessé, de son côté, d’appeler à un sursaut politique à la mesure de l’urgence. Il a ainsi rappelé que « nous devons faire en sorte que ce dépassement [de 1.5°C] soit aussi faible, bref et maîtrisé que possible ». Certes, la COP30 n’a pas réellement fait émerger de nouvelle ambition. Il n’y a toutefois pas non plus de renoncement : cette COP a maintenu l’objectif initial de l’Accord de Paris. C’était une gageure quand on voit le climato-scepticisme exprimé par les États-Unis.

 

Une responsabilité mondiale d’agir

Sur place durant cette COP30, à Rio puis à Belém, le Pacte mondial de l’ONU – Réseau France a pu animer divers événements en zone bleue, au sein du pavillon du Pacte mondial, de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ou sur celui de la France. Avec nos différents partenaires et entreprises membres présents sur place, nous avons évoqué l’importance du secteur privé dans la mise en œuvre de solutions de lutte contre les changements climatiques, et notamment des trajectoires crédibles, transparentes et mesurables, fondées sur la science.

C’est tout le sens de l’initiative Science Based Targets (SBTI), co-fondée par le Pacte mondial, qui permet aux entreprises d’établir des trajectoires de décarbonation compatibles avec l’Accord de Paris. Nous avons aussi rappelé tout l’enjeu des chaînes d’approvisionnement responsables dans la décarbonation du secteur privé.

L’engagement des entreprises au sein du Pacte mondial sur les enjeux environnementaux produit des résultats concrets et mesurables. Une étude menée avec EcoVadis sur les scores RSE 2023 montre que les entreprises participantes au Pacte mondial ont une évaluation nettement supérieure sur les enjeux environnementaux, par rapport à la moyenne des autres entreprises françaises évaluées en 2023 (+13,7 en moyenne). Par ailleurs, l’étude montre que plus l’entreprise adhère depuis longtemps au Pacte mondial, plus son score est élevé. 

Notre responsabilité, au Pacte mondial de l’ONU, est d’accompagner les entreprises de toutes tailles à se nourrir des discussions à Belém pour se transformer. Le moment est à l’exécution. La COP30 a livré un constat : l’urgence est là. Notre crédibilité collective dépend de notre capacité à traduire les engagements de Belém en plans d’affaires concrets et en investissements immédiats.

 

Pour que l’Europe conserve son leadership climatique

Au Pacte mondial, carrefour des démarches volontaires d’engagement et de la compliance, nous constatons un recul des ambitions réglementaires. Je ne peux m’empêcher de penser, en tant qu’Européen, que nous devons préserver notre leadership. Non par conviction que l’Europe serait meilleure que les autres, mais parce qu’elle a, depuis plusieurs années, massivement investi dans un socle réglementaire qui répondait à l’ampleur des enjeux et des défis planétaires.

Le Pacte vert mentionne explicitement les ODD dans une convergence assez inédite des agendas internationaux entre l’ONU et l’UE. Les querelles sur la mise en œuvre des textes européens nous ont fait oublier l’essentiel. Évidemment, nous souhaitons tous que l’Europe demeure compétitive dans un marché économique de plus en plus agressif. Évidemment, nous souhaitons simplifier. Pour autant, simplifier n’est pas déréguler.

Comme je l’ai mentionné, nos concitoyens attendent de l’UE des règles claires. Cela peut paraître contre-intuitif, mais les entreprises acceptent globalement aussi la réglementation, tant que celle-ci est claire. Car il en va de la libre compétition économique : que chacun agisse avec les mêmes règles, dont le fondement repose sur la préservation de nos cadres de vie. Il ne s’agit pas d’égoïsme face au reste du monde. Il s’agit de lutter coûte que coûte contre le réchauffement climatique – contre chaque millième degré de réchauffement, contre la déforestation, contre le travail forcé, pour des conditions de vie dignes… Si chaque pays dans le monde respectait les mêmes exigences, alors le monde irait mieux. C’est tout l’esprit de l’Agenda 2030, rien de plus. Alors, ne lâchons en rien nos exigences et travaillons à des mises en œuvre actionnables et concrètes.

Il y a un autre risque : que le développement durable reste dans le champ de l’idéal. Or, ce lexique n’appartient pas au vocabulaire de l’entreprise. Aussi, arrêtons d’opposer croissance et durabilité. En tout état de cause, l’économie ne peut être qu’au service des femmes et des hommes, pas d’elle-même.

Le rapport Draghi, brandi comme un talisman pour guérir les maux de l’Europe, voit juste quand il souligne la nécessité d’augmenter les investissements et de renforcer la productivité de l’Union européenne. Il constate avec lucidité le ralentissement économique et technologique de notre continent, avec un déficit d’innovation important. Alors, mettons cette énergie au service des préconisations de Mario Draghi, qui porte de fortes ambitions pour notre continent :

  • accélérer la transition énergétique,
  • les technologies numériques
  • et la décarbonation.

Ce sont des vecteurs de croissance et d’emploi au service de notre contrat social. Aussi, ne restons pas sur un bilan en demi-teinte de la COP. Plaçons-nous dans l’action avec ambition. Et dans un esprit de collaboration.

About the Author
Nils Pedersen

Nils Pedersen est un expert du développement durable et de l’innovation sociale, engagé depuis plus de quinze ans dans la collaboration entre secteurs public, privé et société civile. Depuis 2021, il dirige le Pacte mondial de l’ONU - Réseau France, où il accompagne les entreprises dans l’intégration de la durabilité au cœur de leurs modèles. Il est également très impliqué dans la sphère associative et institutionnelle, notamment comme vice-président de La Fonda et membre de plusieurs instances nationales dédiées à la RSE et au développement international.

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